« Elle était devenue une légende locale, icône des magazines économiques à la mode qui découvraient avec incrédulité que l’on pouvait porter une femme aux nues, dans ce monde d’argent facile où la beauté, en alliance, est une gloire, ce monde qu’étaient les années 80 » (Taman Asli, ch. 2, p.46)

En cette soirée de 1983, à Kuala Lumpur, personne ne se doute que la jeune femme de 21 ans tout juste élue Miss Malaysia sera des années plus tard la première actrice à obtenir un salaire égal à celui des acteurs, la première Asiatique à obtenir l’Oscar de la meilleure actrice et l’une des personnalités les plus influentes du cinéma mondial.
Michelle Yeoh nait à Ipoh, dans l’état du Perak en Malaisie en 1962, de parents chrétiens. De 4 à 15 ans, elle est élevée dans un couvent anglophone puis, à 15 ans est envoyée à un pensionnat de Londres où elle apprend la danse classique, jusqu’à intégrer la prestigieuse Royal Ballet School. Une blessure l’obligera à arrêter sa carrière de ballerine. Elle se tourne alors vers l’art dramatique, et obtient une licence (Bachelor of Arts) de théâtre en 1982. Elle rentre en Malaisie où les opportunités de carrière sont inexistantes et se tourne donc vers le mannequinat, jusqu’à l’année 1983 où elle sera élue Miss Malaysia, et, dans la foulée, Miss Moomba en Australie. C’est là que le producteur et milliardaire australien Dickson Poon lui propose de tourner une publicité de montres avec l’acteur montant de Hong Kong, Jackie Chan.

Sous l’influence de Jackie Chan, Michelle s’initie intensivement au Kung Fu et débute au cinéma à ses côtés en 1985 dans Le Flic de Hong Kong 2. Elle épouse le producteur australien Dickson Poon avec lequel elle restera mariée trois ans. Michelle se spécialise dans les films d’arts martiaux, et devient rapidement l’une des actrices les plus populaires de Hong Kong. En 1990, elle est la première actrice asiatique à réclamer l’égalité de salaire entre acteurs et actrices, en exigeant un salaire égal à celui de Jackie Chan dans le film Supercop.

Ce sont ses rôles dans le James Bond Demain ne meurt jamais (1997), et trois ans plus tard, le chef d’œuvre de Ang Lee Tigre et Dragon (pour lequel elle apprend le mandarin), qui la révéleront au public international.

Devenue de ce fait l’actrice la mieux payée et la plus influente d’Asie, elle se lance dans la production de films dès 2002. Son engagement financier dans la production des films dans lesquels elle joue lui permet d’accéder à des rôles plus personnels, où elle révèle ses véritables talents d’actrice, comme dans The Lady (2011) de Luc Besson, biopic de Aun Sang Suu Kyi, la dissidente birmane prix Nobel de la Paix. Vingt films plus tard, et déjà considérée comme l’une des plus grandes actrices internationales, elle obtient la même année, à l’âge de 61 ans, le Golden Globe et l’Oscar de la meilleure actrice dans le film Everything, Everywhere, All at once.
Parallèlement à sa carrière cinématographique, Michelle s’engage dans des œuvres caritatives, en particulier pour la lutte contre les maladies, l’égalité hommes / femmes, l’éducation et le secours aux victimes de conflits. Elle est depuis 2008 la marraine de l’Institut du Cerveau et de la Moëlle Epinière à Paris. En 2024, Michelle Yeoh reçoit des mains de Joe Biden la Médaille de la Paix, pour son engagement au service de la paix et de la culture dans le monde.

Depuis 2004, Michelle Yeoh est en couple avec le magnat français Jean Todt, ancien PDG de Peugeot et directeur général de Ferrari, qu’elle rencontre lors d’une opération caritative. Ils se marient en 2023. Ils partagent aujourd’hui leur temps entre leur résidence principale de Genève, Paris, Hong Kong et Kuala Lumpur.
Bonus: Miss Malaysia 1988 – la beauté: seule voie d’émancipation?
Michelle Yeoh ne fait pas partie des nombreux personnages de Taman Asli. Elle aurait pu inspirer par certains aspects le personnage principal du roman, Noor Hamrani, elle même basée sur une femme malaisienne ayant marqué les années 1980. Si Noor Hamrani n’a pas participé à ce concours, ayant hérité de la compagnie d’armement de son père très jeune, la scène du chapitre 10 consacré à l’élection de Miss Malaysia reste l’un des temps forts du roman.
Evénement iconique des années 80, le concours de Miss Malaysia, importé d’Australie, caractérise cette société en pleine mutation, qui hésite entre le rigorisme des traditions et un idéal occidental « d’amour, gloire et beauté », pour nommer la série de référence de l’époque. Ce concours est ainsi, dans une certains mesure, un symbole d’émancipation, à l’image de sa présidente dans le roman, la mystérieuse Nerel Grahems, qui ouvre la cérémonie de l’édition 1988 en ces mots:
La beauté la plus marquante de la Malaisie, ce ne sont pas ses montagnes, sa jungle, ses îles ou ses plages. Ce sont ses femmes, leurs aspirations et l’harmonie qu’elles ont su créer, cette harmonie universelle qui associe l’Islam, l’hindouisme, la chrétienté et le bouddhisme en un seul et même sourire. Alors, ce que j’ai à dire à chacune des participantes qui rêve, dans son rêve le plus fous, d’aller à New York pour devenir le visage des années 80, c’est cela: ne vous préoccupez pas d’être le visage des années 80, vous êtes le visage des années 2000, et puisse le monde retrouver sa beauté, d’ici là » (Nerel Grahems, ch. 10, p. 213)
En effet, la beauté semble être dans l’univers du roman un levier d’émancipation, le seul peut être à donner accès à une carrière dans les affaires ou tout parcours international pour nombre de jeunes femmes encore soumises au joug des traditions. Deux personnages du roman, Pamela et Safeera, font du mannequinat en espérant que cela leur permette d’aller un jour aller en Europe.
– Oh yes, s’exclama Pamela. Tu nous aideras à devenir des mannequins parisiens, ils aiment les Malaisiennes là bas? demanda-t-elle, comme si les Parisiens, pour qui la Malaisie était un vague pays quelque part en Asie, avaient un avis tranché sur la question. (ch 6, p.118)
Pamela réussira plus ou moins son envolée, alors que Safeera sera très cruellement remise dans le rang du joug machiste dans lequel elle a grandi. Pour reprendre les mots de l’héroïne du roman, Noor: » les femmes de Malaisie sont prisonnières d’un lourd carcan de traditions, avec tout ce que le monde a hérité d’archaïsmes musulmans, chrétiens et asiatiques tout à la fois, concentrés dans un seul et même pays ».
Lorsque Lina Murray, enfin débarrassée de sa plume de paon, demanda à Miss Malaysia 1988 quel était son projet dans la vie, Anita Abdullah répondit en tenant sa couronne, entre deux sanglots de joie:
– Représenter la beauté du monde, aider les autres, devenir une femme d’affaires internationale et montrer que la femme malaisienne est belle et forte.
– Eh oui, eh oui, tonna Lina Murray en faisant claquer le fil de son micro comme un lasso. La relève de Noor Hamrani est assurée, ladies and gentlemen, voici Anita Abdullah! (ch 10, p.215)
Images d’archives ayant inspiré le roman



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