Taman Asli: les noms et prénoms du roman. 4: Noor Hamrani, l’ombre et la lumière.

Héroïne énigmatique du roman, du fait des nombreuses légendes et rumeurs qui l’entourent, Noor est associée à la lune, apparaissant la plupart du temps dans des scènes nocturnes. Rêvant en secret de devenir chanteuse, c’est d’ailleurs une chanson malaise dédiée à la Lune qu’elle enregistre dans le studio du musicien et producteur Cédric Collard (chapitre 13)

Lors de son premier échange avec le narrateur Stephen, chapitre 1, celui-ci remarque:

« Noor, c’est la lumière, c’est cela ? » (Chapitre 1, page 13)

Taman Asli Art: « Noor », par Cléa Lavillenie (Kuala Lumpur, 2025)

L’ombre et la lumière sont un élément central du roman, et un jeu de lumières, entre obscurité et clarté habite les relations entre les personnages principaux, Alastair, Noor, Damien (voir article sur Damien) et Leila.

En arabe, le nom Noor signifié à la fois lumière et beauté, et, dans un contexte islamique, est souvent utilisé pour désigner la lumière de la lune.  

Il appartiendra au lecteur de décider si Noor est source de lumière ou si, comme la lune, elle en est le reflet. Apparaissant la plupart du temps dans des scènes nocturnes, Noor Hamrani est décrite comme vêtue ou drapée de nuit.

 l’ombre du soir emplissait l’appartement et venait caresser son visage  (chapitre 1, p.16)

Les courbes de Noor, vêtues de nuit, formaient des dunes de douceur sur lesquelles mes rêves les plus secrets trébuchaient à présent. (chapitre 1, page 19)

Je la vis s’éloigner, de dos, les épaules nues, les éternelles perles de nacre, la traine d’une robe couleur de nuit, les photographes dans son sillage. (chapitre 4, page 82)

« C’est vous qui êtes venue me trouver, dans votre robe couleur de nuit, Datin Hamrani, pourquoi ? » (chapitre 4, page 82)

Noor évolue drapée de nuit, image représentant à la fois les secrets dissimulés et sa condition de femme luttant dans un monde d’hommes qui s’emploie à éteindre sa flamme. A Paris, dans le refuge d’une église proche de la galerie Vivienne, Noor parle à Alastair de son enfance :

« J’étais punie, enfermée des jours entiers dans une pièce minuscule qui ressemblait à un placard et je passais le temps à regarder la lumière à travers une petite lucarne » (page 257)

La relation de Noor et Alastair, personnages que tout oppose mais dont la complémentarité devient évidente au cours de l’histoire, se fonde sur les reflets qui s’opèrent entre eux, tels des vases communicants, alors que leurs destins se croisent et leurs corps se confondent. Ces échanges de fluides sont constatés par le narrateur Stephen alors qu’il développe la photo de Noor et Alastair nus et enlacés, dans son laboratoire, à l’image de la relation qu’ils ont voulu immortaliser avant leur séparation :

Dans une obscurité écarlate, après que j’eu déposé le papier albuminé dans le bac du révélateur, l’ombre et la lumière , le négatif et le positif d’étaient inversés entre les deux corps, la silhouette d’Alastair s’éclaircissant et Noor semblant revêtir son obscurité (…) (page 133)

Reflet de l’amour fou que lui voue Alastair, elle semble devenir la source de lumière qui se reflète dans les yeux du jeune homme, qui deviennent verts en sa présence :

« Je croyais que tu avais les yeux noirs. Mais ils sont verts, je le vois maintenant, ils sont verts au fond » (chapitre 12 p.287)

Au fur et à mesure du roman, alors que le récit prend une tournure plus sombre, ombre et lumière se confondent, Noor devenant la source de lumière sans laquelle l’ombre d’Alastair ne peut exister, comme il l’exprime lui-même:

« Je pensais que tu étais devenue une partie de moi. De mon obscurité. Ma lumière… » (chapitre 17, p.411)

Leila, autre héroïne, autre double inversé…

L’autre héroïne du roman, Leila, dont le nom signifie « nuit » en arabe, est un miroir inversé de Noor , jusque dans les moindres détails: Noor porte à chaque oreille une perle blanche, et Leila une perle noire; elle est toujours vêtue de blanc; Noor et Alastair sont séparés par leur différence d’age alors que Leila et Alastair sont nés le même jour…

Alternative possible de Noor dans la vie d’Alastair, qui reconnait en elle « une pierre précieuse posée sur son chemin« , elle lui est littéralement offerte suite à un pari organisé par son frère Faizal qui défie de la « caser avec le premier garçon venu« . Personnage solaire et irresistible, elle est la petite amie idéale à laquelle tous les jeunes hommes du roman aspirent, « espiègle, rassurante et douce« :

Je me sentais bien, et calme à ses côtés (…) Elle était sans mystère, aussi sincère et rassurante qu’un miroir dans lequel on se regarde avant de rejoindre une fête .(Alastair, chapitre 5 p.100)

« Je la trouvais carrément craquante, Leila. T’as vu comment je la draguais? Avec mes blagues, elle rougissait. »(Damien, chapitre 14, p. 349)

« Comment t’as fait pour pas tomber amoureux d’elle? Elle est juste…parfaite ». (Andrew, chapitre 15)

Personnage des ténèbres, semblant sorti de la jungle malaisienne, Alastair O’Flender prend conscience en présence de Leila de son irresistible attraction vers le monde trouble de Noor Hamrani:

Plus mes désirs de jeune homme étaient avivés, plus le sortilège de son étrange emprise me ramenait dans son sillage. (chapitre 3, p.70)

Les armes en héritage

Le nom de famille Hamrani, qui est assez commun dans le monde musulman,  a été choisi pour ses sonorités  : évoquant tout à la fois le mot « armes » et l’élégance italienne (plusieurs lecteurs m’ayant indiqué le lire comme « Armani »)

Alors qu’Alastair O’Flender, de retour à Kuala Lumpur, rend visite au couturier Eric Tang, ce dernier constate les changements physiques qui se sont opérés chez le jeune homme:

« Toi qui t’es transformé en mannequin Armani… » (chapitre 9, p.182)

Le nom Hamrani est également l’anagramme de Maharani, évoquant ainsi que les princesses et reines des contes hindous, comme Noor en plaisante auprès de Stephen après leur première rencontre :

« Je me sens comme la Maharani » (chapitre 1)

Les nombreuses légendes qui entourent Noor Hamrani convoquent cet imaginaire romanesque des princesses hindoues, comme l’explique le narrateur lors de sa première apparition

Les gens la surnommaient Mata Hari. Pour certains, c’était la fille illegitime de l’Aga Khan; pour d’autres, plus subtile, une princesse moghole réfugiée en Malaisie après que ses parents , en exil, avaient fui un vague coup d’état, au Pakistan, il y a longtemps. (chapitre 2, p.46)

prochain article: Les noms et prénoms du roman. 5 Andrew et Irene Along.


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Auteur : Cyril Dowling

Auteur de Taman Asli, Sanctuaire d'un été oublié (Editions Gope) et de quatre autre romans.

2 réflexions sur « Taman Asli: les noms et prénoms du roman. 4: Noor Hamrani, l’ombre et la lumière. »

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